“THE STORY OF A BOY”
Mon portable vibrait pour la énième fois de la journée. Encore une fille, j'en étais certain. Qu'elles étaient naïves et puériles. Pensaient-elles réellement que moi, le grand Chaz je m'intéressais à elles ? Pensaient-elles vraiment qu'elles étaient "l'élue" de mon coeur ? Un fin rictus vint étirer mes lèvres à cette pensée tandis que je reportais une nouvelle fois mon attention sur la TV, ignorant royalement mon portable. Si c'était pour faire ça, pourquoi leur donnais-je mon numéro ? Et pourquoi ne pas le mettre en mode silencieux ? Tout simplement parce que ça, c'est la sonnerie du succès. Le bruit de la réussite sociale. Rien que le fait de penser à toutes ces phéromones sécrétées rien que pour moi, ça fait ma journée. Je suis un bel enfoiré, je sais. Oui bon, j'ai 17 ans, autant en profiter non ? Ah tiens ! Voilà ma petite soeur Sarah. Elle a seulement 10 ans qu'elle me gonfle déjà. Toujours à vouloir jouer avec moi, non stop. J'ai une gueule à jouer aux barbies moi ? J'crois pas non. Et voilà qu'il fallait encore que je lui dise non pour un tour de manège ou autre. J'en sais quoi moi ? J'la vois qui s'approche de moi, l'air penaud. Puis là je me suis revu plus jeune. J'étais déjà mignon à l'époque, comme quoi l'avenir est prévisible rien qu'en regardant les traits d'un bambin. 'Fin bon, dans mon flash back, je regardais un stand de glace avec envie. Mon père se tenait là, à essayer vainement de me dire qu'on ne peut pas toujours tout avoir. Il me disait ça à moi, qu'il gâtait tout le temps ? J'insistai pour la glace, normal. Puis là, on a croisé un enfant, qui n'avait rien. Mon contraire absolu. Il était tout juste vêtu d'un vague t-shirt qu'on trouve au rabais dans le super marché du coin, ainsi que d'un jean troué et sale, comme si c'était le seul de sa garde robe, le truc inimaginable pour moi. Mais le gosse avait le sourire, puisqu'il jouait avec un ami, dans le même état que lui. Ils semblaient heureux tous les deux, à savourer un bonheur pur alors que moi, je n'étais satisfait que grâce à des plaisirs matériels et terriblement superficiels. Maintenant ça me sautait aux yeux. J'étais quoi moi ? Un pauvre gamin qui se croyait supérieur au monde ? Pathétique. J'en avais été dégoûté de la glace. Et ce souvenir eu bon de me faire entendre raison une nouvelle fois. J'éteignais mon portable, et me dirigeais vers ma soeur. Je la faisais grimper sur mon dos et je courrais dans la maison. J'avais l'air d'un con mais je m'en foutais. Personne ne pouvait me voir t'façon. Et même. Le premier qui oserait se moquer se retrouverait avec mon point dans sa gueule de gueux. J'faisais rire ma soeur, pour une fois. J'étais un bon frère, l'espace de quelques heures. J'étais comme j'aurais toujours du être, et comme je suis à l'intérieur, là ou personne ne peut voir. Un pauvre abrutis trop faible pour ne plus se soucier des apparences. J'ai toujours été comme ça, depuis ma plus tendre enfance. Alors pourquoi je changerais ? Parce que je n'avais aucune valeur, pour personne. Du moins pas ma famille. Mais je pouvais rattraper ça. Tout. Seulement, j'étais trop con pour en trouver la force. Le lendemain, j'étais dans le lit de deux des filles qui me téléphonaient la veille, une bouteille de vodka dans une main, une clope dans l'autre.

“OUR MAD FRIENDSHIP”
Je sautais, et dans une détente parfaite je marquais mon panier. Le sourire aux lèvres, je revenais vers mon ami, me pavanant légèrement. Je menais de deux points, soit du simple panier que je venais de marquer. Ce n'était pas extraordinaire, mais juste assez pour me permettre de me vanter, et surtout de le provoquer. « Alors l'antiquité, on dit quoi maintenant ? » Pourquoi ce surnom ? Et bien parce que ses parents n'ont pas eu d'autre idée que de le nommer Thésée. Vous savez, le type de la mythologie ? Enfin bref, je lui lançais un sourire taquin, à lui répliquer. « T'emballes pas trop vite Law' on va voir ce que tu diras après ça ! » Alliant l'action aux mots, il sauta et marqua également, rétablissant l'égalité. Il me tira la langue avec amusement. Depuis tout jeune nous étions ainsi, à se taquiner et se provoquer mutuellement. C'était un peu notre marque de fabrique. Je ne sais même plus comment on s'est connus. Mais le fait est que depuis nous sommes inséparables, que ce soit dans des beuveries inimaginables, des plans drague, pour emmerder le p'tit nouveau qui vient d'arriver en ville, ou encore pour de simples parties de basket, comme là par exemple. Lui et moi c'est une longue histoire qui j'espère ne se terminera pas. Mais... Car il y a un "mais" comme toujours. Voilà quelques temps que je me suis rendu compte que j'étais attiré par lui. C'est purement physique, enfin j'crois. Mais quand je le vois, j'ai cette drôle d'impression encore inconnue de vouloir lui sauter dessus et lui faire tout plein de truc dont je tairais les détails. J'ai tendance à croire que c'est une déformation professionnelle, mais j'ai des doutes. Je veux dire... C'est tellement différent. Je sais pas. Je trouve ça si compliqué. Je suis hétéro pourtant, je ne devrais même pas avoir ce genre d'envies. Peut être que... Peut être que je ne suis pas ce que je croyais être... Mais non, c'est inimaginable et ça ne sert à rien de se triturer les neurones pour si peu après tout ! Et puis il est fiancé de toute façon. « Hey beau gosse ! Tu joues ou quoi ? » Damned. Pourquoi le fait qu'il m'appelle ainsi me faisait plaisir ? Ridicule. « Je te laissais juste savourer tes derniers instants de répis, mais si tu insistes... »

“I ABSOLUTELY ROCK”
J'étais au sommet. En un dernier coup de rein je mettais fin à notre étreinte. Voilà une soirée à plus de 1000€ de plus pour moi et de moins pour elle. J'étais satisfait. Mon métier pouvait en rebuter plus d'un. Moi il me plaisait. « Alors mon bichon, on remettra ça la semaine prochaine ? » Damned. Cette fille devait être sacrément riche pour en redemander ainsi. 'Fin bon, je fis comme ça ne me choquait pas, et je jouais à son petit jeu. Il était tellement bon de séduire. « Seulement dans une semaine ? » Cette dernière remarque la fit rire. Ou plutôt glousser, le genre de truc qui me tape sur le système même si je ne le montre pas. En guise de réponse, elle se pencha vers moi, passa sa main dans mes cheveux et m'embrassa. Le truc c'est que ce geste me mis assez mal à l'aise. C'était pas le genre de baisers faux, qu'on fait quand on ne couche que pour le plaisir. C'était un vrai baiser, empli de sentiments que je ne voulais pas qu'elle ait... Et que je ne pouvais partager. Notre baiser prit fin et elle se recula légèrement de moi, un petit sourire satisfait au visage. Elle me caressa sa joue puis, son regard ancré dans le mien, me dis de la voix la plus séduisante qu'elle put : « J'aime bien les moments qu'on passe ensemble Lawrence... » Oh non. Mes pires craintes se confirmaient dès lors. Le truc que les gens de mon métier ne veulent pas, c'est qu'un ou une barjo se prenne trop d'affection pour nous, et qu'ils s'imaginent être le ou la seule avec qui on est comme ça. Généralement c'est des gens à la vie plutôt pourrie et en manque d'affection. Ça m'était jamais arrivé... Jusqu'à aujourd'hui. Je lui fis un petit sourire gêné et me dégageais de son emprise avec douceur : je ne voulais pas la brusquer, je ne savais pas de quoi elle était capable. Je renfilais mon boxer, rapidement suivit de mon pantalon. Alors que je refermais ma ceinture, elle s'approcha de moi par derrière, m'enlaça au niveau de la taille, posa sa tête sur mon épaule et me susurra à l'oreille : « A plus tard mon mignon alors... » Même sourire tendu que la dernière fois. Un frisson me parcourut quand je sentis sa main se glisser dans ma poche. Voyant ma réaction, elle sourit. Tout cela semblait beaucoup l'amuser ! « Mon numéro. Prends-en soin. » Je restais là, sans rien dire, en attendant qu'elle se dégage. Ce qu'elle fit bientôt, le même petit sourire amusé collé à son visage de pécheresse. Elle me tapota l'épaule et se rallongea d'une manière des plus sexy sur le lit. Je m'empressais de remettre mon T-Shirt, de prendre l'argent et de sortir de là. A la première poubelle, je jetais son numéro. Je ne voulais plus entendre parler d'elle. La semaine prochaine, je dirais adieu à mille balles supplémentaires. Tant pis, mais c'était plus sain. Je préférais marcher jusque chez moi, sans même prendre de taxi, histoire de m'aérer l'esprit. Là, je croisais un petit groupe de fille toutes plus canons les unes que les autres. Elles avaient un peu abusé de la vodka à en juger leur état et les nombreux éclats de rire qu'elles avaient, à en réveiller tout le quartier. Le regard aguicheur, l'une d'elle s'approcha de moi et passa sa main sur mon torse. Décidément, quelle soirée ! « Dis beau gosse... Ça te dirais de passer quelques temps avec nous ? » Après une seconde d'hésitation, je répondis : « Avec plaisir. » Après tout, ça me permettrais d'oublier l'autre fille, et de m'amuser un peu en dehors du travail. Mais bon, y avait-il une différence ? L'argent c'est tout. Du coup, j'ai passé une délicieuse soirée dans un motel, et j'me suis alors dis que, oui, j'étais un enfoiré de première et que oui, je le vivais bien, merci. Ma vie étais si... Si agréable quand on y repensait. Oui, je n'avais rien à envier à personne, voilà tout, et j'étais donc bel et bien au sommet.

“LIFE JUST SUCKS”
Je me massais la joue d'un air agacé. Comment avait-elle pu oser ? Pour qui se prenait-elle au juste ? Je parle bien sûr de la fille de l'autre soir. Vexée de ne pas m'avoir vue la semaine après nos précédents ébats, elle essaya de me retrouver. Je sais pas comment elle a fait mais le surlendemain du rendez-vous que nous avions pris, elle m'avait retrouvé dans un magasin et, entamant son petit jeu de séduction, demandé pourquoi je lui avais mis un lapin. Je prétextais que j'avais été malade. Elle ne semblait pas convaincue mais fit comme si. Elle me programma une autre nuit (c'était hier) à laquelle j'avais intérêt d'aller d'après elle, et à laquelle je ne vins pas. Du coup, le lendemain (aujourd'hui), elle m'avait une nouvelle fois retrouvé, dans la rue cette fois, et m'avait giflé et traité de connard devant tout le monde. Okay je méritais une telle insulte mais elle n'était pas mieux non plus ! A s'attacher comme ça à moi ! J'entendais encore sa voix résonner dans ma tête : « Tu entendras parler de moi Dr. Love. » J'en avais des frissons dans le dos. Pour couronner le tout, je venais de croiser Gaby & Laorï, c'est à dire le plan cul régulier de Thésée et sa fiancée. Je peux vous dire qu'eux je les aime pas. Je sais pas, ils s'accaparent mon homme. Mon homme ? Avais-je réellement pensé cela ? Je devais être vraiment fatigué de tous ces évennements. Peut être que je n'étais plus fais pour ce métier ? Que mon esprit commençait à dérailler et qu'il était temps que je lâche prise ? Mais j'ai mis le doigt dans un engrenage et il est compliqué de s'en détacher. Je soupirais. Il fallait que je me détende. J'entrais alors dans un Starbucks, tout plein de pensées moroses et néfastes : j'étais poursuivi par une malade et attiré par mon meilleur ami qui était fiancé et couchait avec le petit frère de l'"heure élue", quoi de mieux ? Je me commandais un latte macchiato et m’installais face à la baie vitrée, accoudé au comptoir. Je sentis mon portable vibrer, je venais de recevoir un message. URGENT - TA SOEUR EST A L’HÔPITAL - THÉSÉE. Mon sang se glaça. Je ne pouvais pas espérer pire journée. Ma soeur ! Ma petite soeur adorée ! Je me précipitais hors du café, sautais à la hâte dans le premier taxi qui passais par là et me voilà en direction du centre hospitalier. J'entrais, complètement affolé : on ne touche pas à ma soeur, c'est pas faute de l'avoir déjà dis ! J'accrochais le premier docteur que je voyais et lui demandais : «Ma soeur ? Sarah David s'il vous plaît ! » Le docteur me répondit avec calme et ce petit air désolé insupportable. « Votre soeur a été victime d'agression physique et sexuelle. » Un viol. Ma soeur c'était faite violer. Mon coeur me lâcha, l'hôpital sembla tanguer autour de moi : j'étais perdu, désorienté... Et animé d'une rage sans précédent : je voulais la peau des coupables. « Est-ce qu'elle va s'en sortir ? » Une phrase que les médecins doivent malheureusement trop souvent entendre. Il y eu un terrible silence. « Je ne sais pas. » Ce fut le coup de grâce. || Finalement, elle s'en est sortie, et heureusement, car ma vie sans elle n'aurait plus eu de sens. Mais elle garde un réel trauma des évennements. Je la garde sous mon aile en attendant. Et puis j'arrête de déconner trop avec tout ça. Je vais plus "bosser" et je reste près d'elle. Ce truc m'a fait beaucoup réfléchir et je me rend maintenant compte que ma vie n'a aucun intérêt. Que je la gâche en choses futiles alors que le réel bonheur est à portée de main... Et puis, maintenant faut que je me rende à l'évidence : j'aime Thésée, je suis gay, et je ne l'aurais jamais. Mais parfois, certains secrets sont trop lourds à porter...