La douleur t'éventre, et tu ne sais pas quoi faire. Les larmes sont prêtes à couler, mais rien n'y fais. Ça ne coule pas. Pas du tout. Le médecin t'annonce la nouvelle, et toi tu attrape sa main, et puis tu la caresse doucement, lui murmurant que ça ira, et que tu sera là pour prendre soin d'elle. Ton sourire essaie d'être rassurant, mais il ne sais pas cacher cette angoisse. La peur de la perdre, et surtout le fait que tu ne sache pas comment faire.

J'ai ressentis tout ça, ses symptômes qui te bouffent un à un. Je me souviens, c'était en septembre. On était dans le salon, et puis elle a dit « j'ai soif » et elle s'est levée. Elle n'a même pas atteint la porte du salon qu'elle s'écroulait déjà sur le sol. J'avais dix-huit ans, je venais d'avoir mon diplôme et j'avais été accepté dans une grande université. Lorsque le médecin nous a dis qu'il fallait qu'elle se repose, j'ai compris que j'avais besoin d'un travail urgent pour ramener à manger, et m'occuper de mon frère. Tout s'est accéléré très vite. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je m'étais retrouvée rapidement à jongler entre deux boulots, parfois même trois quand je pouvais, et je tenais bien au début, ça a duré peut-être un an, un an et demi. Ma mère ne sortait pas, elle ne pouvais pas. Elle faisait parfois à manger, mais je préférais pas, je ne voulais pas qu'elle se fatigue, je voulais prendre soin d'elle, je voulais qu'elle soit au maximum avec nous, qu'elle se rétablisse. Après un an et demi, j'ai craqué. J'ai délaissé les boulots, je dormais, je ne faisais plus rien, puis on s'est fais expulser parce qu'on ne payait pas le loyer. J'ai trouvé un petit appartement pas trop cher ici, nous y voilà. On s'est installé, et j'ai tenté de retrouvé du boulot, j'étais serveuse. Au début ça allait, mais je ne gagnais pas assez pour tout payer, et joindre les deux bouts entre les soins et les factures, ça m'était impossible.

Un soir, j'ai entendu un client faire des avances à une collègue, elle a refusé évidemment, alors qu'il lui proposais de la payer. L'offre était alléchante, mais je me respectais trop bien pour en arriver à là. J'ai repensé à ce client pendant tout mon service, et ma conclusion était toujours la même, jusqu'au moment où il s'est levé et qu'il est parti. C'était trop d'argent que je ne pouvais laisser passer, et puis j'en avais besoin, pour ma mère surtout. J'ai couru jusqu'à lui en lui demandant si je pouvais faire l'affaire à son offre. C'était certes dangereux, je le savais, mais dans tout les cas c'était quitte ou double.

Depuis ce jour, je travaille au noir. Je me fais de l'argent comme ça, et je gagne même mieux qu'une serveuse. En plus de pouvoir payer les factures et les traitements, je peux même réussir à offrir des cadeaux à mon frère, je peux lui rendre son sourire.