Les gens, ils collent des étiquettes sans savoir. Au détour d'une ruelle, ils interceptent un bruit, un cri, une connerie et c'est la fin. Certains disent que Cheeky est l'archétype même de la gamine chiante, têtue et trop gâtée par des parents absents. Ils ne savent pas. D'autres lui poinçonnent direct le panneau idiote impulsive pas fichue de se contrôler. Ils sont pas si loin de la vérité que ça. Cheeky est tout simplement taillée dans le brute du diamant sans plan. Une sculpture un peu trop grossière mais enjôleuse. Une bouille angélique et des cheveux à tomber mais une façon d'agir un peu trop tendancieuse. Et ce depuis toujours. Depuis le jour où elle sait combiner course et cris, elle est complètement incontrôlable et aussi bruyante qu'un troupeau d'autruches en fuite. Ouais voilà, Cheeky est une autruche. En moins peureuse. Parce que mademoiselle depuis le bac à sable n'a jamais eu la lâcheté de s'enfouir pour éviter les problèmes. Elle les prend de front et ce sans jamais ciller.

Les parents de Cheeky n'ont jamais été très présents. Ni complètement absents. Ils ne lui ont jamais fait profusion de cadeaux ou surplus d'amour. Venant et partant, Cheeky s'est toujours pas mal fichée de rester toute seule à la maison. Tant que le frigo restait bien chargé, elle faisait de l'endroit son royaume. Des parents qui ne s'attendaient pas forcément à sa venue et se sont même bien gardés de suivre les recommandations du médecin lors de la grossesse. « Pas d'avion madame Bones ! » oui, c'est ça. Et demain elle va s'arrêter de travailler pour que sa fille s'épanouisse, c'est ça ? Jamais de la vie, Mrs et Mr Bones aiment trop leur boulot pour porter toute leur attention sur une gamine qui babille à peine. Alors Cheeky a connu les joies des nourrices tirées à quatre épingles. Les meilleures de la région ; celles qui ont peur de lui faire mal en lui changeant la couche. Puis elle s'est retrouvées dans les bras de ces adolescentes qui passent leur temps à se curer les ongles avec du métal à fond pendant que bébé pleure à l'agonie qu'il crève la dalle drapé dans son lit alors qu'il fait plus de 25 degrés à l'intérieur. Enfin, y'a eu le stéréotype parfait de la gentille nourrice bonne à tout faire. Elle est arrivée un peu plus tard. Petite, enrobée, souriante et rougissant à chaque question trop embarrassante. Vous savez, la nourrice qui crache des mots en espagnol quand elle en a marre. Celle qui aime la fille de sa patronne plus que sa patronne elle-même. Celle qui sert de nounours, de moralisatrice … et de balai. Donc vous l'aurez compris. Les parents de Cheeky se sont arrêtés sur cette bonne femme, la gentille Nani. Cheeky a grandi dans le creux de la classe moyenne. Elle n'a jamais manqué de rien et ne s'est jamais demandé si elle aurait besoin de telle ou telle accessoire décoratif pour orner sa personnalité et l'accentuer. Qui a besoin de ça quand il a des crocs et des griffes ?

On admet que Cheeky puisse être un poil ... bon d'accord, très loin de la fille adorable et plus encore de l'aguicheuse accomplie. Elle est familière avec qui veut bien d'elle et s'incruste avec brio. En général, les gens aime bien Cheeky. Elle est marrante et sourit de tout. Elle est vachement chiante mais tellement attachante. Elle est attachiante.

Africa,
on est en ce moment en plein arpentage des pyramides de Gizeh et nous avons trouvé un cadeau idéal pour toi que nous te ferons parvenir lors de notre grande escale à Heaven Hill pour noël. Comme tu dois t'en douter nous ne resterons pas pour le nouvel an et repartirons autour du 28. Nani va bien ? Tu ne lui causes pas trop de problèmes j'espère ! N'oublie pas de nourrir ton amour de chien et de l'empêcher Chicha de griffer les statuettes que nous avons ramenées d'Australie. Passe le bonjour à tes amis de notre part.
Envoie de tes nouvelles plus souvent chérie ! Plein de bisous, tes parents. PS: tu trouveras ci-joint une photo de nous devant ces merveilleuses Pyramides.

« Putain ils vont encore me ramener un collier que je mettrai une fois, pas en public puis que je rangerai avec grand plaisir sous mon lit avec les autres cadeaux géniaux … » Cheeky attrapa sa manette et donna un coup dans la tête de Declan assez fort pour qu'il émerge de son captivant rêve. Il ravala précipitamment son filet de bave et lui lança la photo qu'elle s'était mise à chercher. « J'y crois pas tu bavais en regardant ma mère poser ?! » quel porc. Elle appuya sur sa tête et se mit à cheval sur son dos. Bref, c'était partit pour la énième course de la journée. Depuis que Nani avait acheté le dernier Need For Speed, Declan passait ses journées à la maison à supporter l'humeur canine de Cheeky. Parce que jouer en ligne pour une adolescente pré-pubère a un jeu aussi mal jugé par la gente féminine n'est pas facile tous les jours, m'voyez. Y'a les gros boulets dragueur de première classe qui savent pas encore réguler leur taux de testostérone, les pauvres, ceux qui n'acceptent pas leur défaite écrasante face à une meuf, ceux qui décide de la traiter de chienne après s'être fait sortir du circuit. Puis au fur et à mesure ils s'y font et le pseudo terminatress18904 devient fort connu et on s'incline avec simplicité. Restait encore ceux qui voulait avoir la preuve que cette tarée qui les matait tous un par un à la course à la montre en grognant et mastiquant des chips était vraiment une fille. Ça trompait plus quand elle atteignait des décibels affolant à chaque fois qu'elle franchissait la ligne d'arrivée en premier. « J'VOUS AI TOUS MATÉS BANDE DE GUEUX C'EST QUI QUI LA MEILLEURE ? C'EST CHEEKY ! » puis quand elle en a par-dessus la tête elle balance sa manette et tire Declan hors de sa chambre. Elle le traîne dans le salon sous le regard attendrit de Nani puis se tire sans protections avec deux skates sous le bras pour piquer un truc alcoolisé, piquant, fumant à Trash qui lui fournit toujours sans pièce d'identité. C'est bon, elle est jeune, faut bien qu'elle fasse des conneries, qu'elle rentre les genoux croûtés, les yeux rougis, les jambes qui flanchent et même qu'elle ne rentre pas du tout, si ça peut lui épargner de crever écrasée. « Tu rentres déjà ? Tapette ! » Rocky lui crache en la jaugeant depuis les marches d'escaliers où elle s'est posée « Nan j'fais un détour j'vais … » « Tu vas ? » « Chercher du pain ! Allez beusous ma douce enfant ! » elle ricane et saute sur son skate en faisant claquer ses mèches brunes sur son dos nu. Insouciante elle a filé comme une machine de guerre sur la voie la plus large qui traversait la ville. Elle s'est toujours sentie invincible. Jusqu'à ce qu'elle essaye d'esquiver la moto et qu'elle s'écrase violemment la tempe sur le bord bétonné du trottoir. […] « Aïe merde chui où ? » les machines qui clignotaient lui donnaient le tournis. Brr. Hôpital. Elle abhorrait cette endroit. Elle déchirerait bien tous les fils qui sont terrés dans ses veines pour se casser par la première porte ouverte. Mais elle était plus que simplement reliée à des fils ; elle avait l'oreille lourde, engourdie. Absente et sifflante. Si bien qu'elle vit des pieds silencieux courir vers son lit. Merde, elle était pas devenue sourde quand même ? Impossible, elle jurerait avoir entendu les machines. Et elle s'était entendue parler. « EH ! EHO JE SUIS RÉVEILLÉE ! » « Oh mademoiselle ... » « Je peux sortir d'ici là ? J'aime pas trop beaucoup tous ces bips et ces fils. » elle souleva les bras et arqua un sourcil. Elle avait pas une égratignure ? « Vas-y tu fais trop flipper toi hein ! J't'ai vu tomber j'ai cru que tu crevais ! » « Euh ouais mais chui pas morte tu vois Rocky ? » elle tira sur sa veste et lui chuchota à l'oreille, les dents serrées. « Sors-moi d'ici putain j'aime pas les hôpitaux tu sais. » elle tremblait presque de la voix. Mais les hôpitaux, c'était sa grande hantise. Personne n'a jamais vraiment su comment elle avait fait pour se retrouver chez elle avec un simple bandage sur l'oreille. Les jours suivants, elle était déjà cramponnée hors d'haleine et le visage rouge au toit d'une voiture hurlant au conducteur d'accélérer. La vie est trop courte pour rester dans une chambre d'hôpital pendant une semaine à attendre une greffe du tympan. Autant se contenter d'une oreille et d'un appareil. Elle se sentait un peut comme terminator, elle avait un bout de robot en elle.
Être sous-estimée, c'est ce dont Cheeky a le plus peur. Parce qu'il faut se rendre à l'évidence, la demoiselle n'a pas froid aux yeux. Si elle se rend compte que les autres ont franchi un cap qu'elle n'a pas été fichue d'enjamber grossièrement, elle ne se gênera pas pour embarquer quiconque lui sera utile dans son expérience.

La première fois ils avaient un peu plus de seize ans. Cheeky avait grimpé sur le grand chêne et avait sauté adroitement sur la petite terrasse de chez Declan. Les rideaux claquaient contre la baie vitrée ouverte et la grande chambre parfumée était vide. Dans un grand élan de courage, elle s'y était glissée et avait attendu là, assise sur le lit, que le garçon pointe son museau. Pendant un quart d'heure elle avait gratter la couverture rugueuse sur le lit, eu le temps de renverser un pot et s'était ébouriffé les cheveux une bonne vingtaine de fois. Si bien qu'ils s'apparentait plus à une crinière de lion. Puis il a enfin émergé avec ses yeux étonné et ses paquets dans les mains. « Tu fous quoi ici Cheek ... » « Tais-toi s't'euplaît. » rapidement elle avait retiré son t-shirt et déjà elle lui mordait les lèvres du bout des siennes. « Attends Cheek pourquoi tu- » « On va pas rester puceaux toute notre vie, si ? » il secoua la tête en signe de désapprobation et se mis en tête de la suivre dans ses mouvements. Tant qu'à perdre sa virginité, autant qu'ils fassent ça ensemble, ils se connaissent mieux que personne. Declan l'observait du bout de ses doigts ; son être tout entier était captivé par le creux de ses reins et ces courbes encore un peu maladroites, enfantines qui donnaient une forme anguleuse à ses omoplates. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il s'y prenait plutôt bien. Une douceur tendre se dégageait de sa danse. Ils respiraient le même air, en cet instant elle était sienne. L'espace d'un moment, Cheeky était une fille. Mais ça, c'était avant qu'elle reparte par la fenêtre en sautant comme un chimpanzé. Cheeky, rien ni personne ne la change. Pas même un moment intime. Limite si elle avait pas passé éponge sur l'épisode le lendemain. […] « Declan chez moi toudisuite j'ai besoin de toi pour une partie de Call Of en ligne ! Nani a fait des knackis. » il arrivait, comme toujours, son pote Declan. Puis ils jouaient toute la journée et le soir, ils sortaient. Cheeky attrapait Rocky, Ollie au passage, si elle était pas déjà en train de flâner dans le milieu. Certains jours, elle ne saurait pas trop se l'expliquer, elle retrouvait une soudaine envie de posséder ses lippes, de faire rouler la peau hyaline du bout de ses doigts sur le satin de son épiderme frissonnant. Il ne refusait pas. Du claquement de l'élastique sur son ventre plat à la douceur de sa peau, il aimait tout chez Cheeky. Sans s'en rendre compte, la jeune fille encore gamine exerçait un pouvoir sur Declan dont elle ignorait les limites. Elle ignorait tout de leur relation mais dans sa tête de linotte elle contrôlait à l'aise. Ouais, elle disait ça. Je contrôle. Même si elle montrait les crocs dès qu'une femelle s'approchait trop près de lui. Pur instinct de propriété.